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La vache à eau… ou quand le bonheur est dans le pré

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il y a 2 semaines

Il est confirmé que l’élevage bovin nourri à l’herbe limite la consommation d’eau, préserve l’environnement et donne une viande d’exception.

 

La nature fait bien les choses, surtout si l’homme, pour sa part, fait preuve de bon sens. Si l’on part du principe que notre planète est censée nourrir l’humanité, même s’il faut une part certaine de transformation des aliments, il est important, lorsque la démographie bouscule l’équation, d’assurer la longévité de cet ordre. Et s’il n’est pas interdit d’envisager l’avenir de l’espèce humaine sans protéines carnées, jusqu’à engendrer des programmes politiques – il n’est pas non plus interdit de l’imaginer avec des protéines carnées, surtout si elles sont durables. La différence entre les deux visions est que la première n’envisage aucune alternative alors que la seconde ne prétend rien imposer. Aucune de ces deux options n’étant obligatoire, le consommateur reste libre de son choix, comme celui de manger de la viande, à condition qu’elle soit bonne. Et pour qu’une viande soit bonne, il est essentiel qu’elle provienne d’un animal dont la physiologie et le métabolisme n’ont pas subi d’altération, notamment au niveau de son alimentation.

 

Quel que soit le cheptel, outre l’air nécessaire à la respiration, la vie est liée à deux éléments incontournables, la végétation et l’eau. Le premier le nourrit, le second l’hydrate.  L’eau est indissociable de l’élevage en général, et du bovin en particulier, d’où l’avantage d’un climat tempéré si l’on souhaite développer une production apte à répondre aux enjeux alimentaires et environnementaux de la planète : l’herbe gratuite et abondante sera toujours plus rentable que les substituts transformés ou importés. De fait, le climat tempéré assure à la fois l’apport en eau et en herbe nécessaire, avec un avantage certain au pâturage puisque l’herbe de la prairie contient de l’eau, à savoir qu’elle nourrit et hydrate à la fois l’animal. Selon leur variété, les plantes, graminées, légumineuses ou flore endogène, sont composées d’un pourcentage donné de matière sèche, le reste étant de l’eau. Pour ce qui est d’une prairie en zone d’élevage, la proportion d’eau contenue dans l’herbe varie évidemment selon la saison et la pluviosité, sans oublier le type de sol, paramètre déterminant, à savoir plaine alluvionnaire, montagne, gâtine ou bocage. A titre d’exemple, sur la base de moyennes établies en France à la fin de la décennie 2010 (ANSES), l’herbe d’une prairie permanente est composée à 73% d’eau au printemps, 71% en été, 84% à l’automne et peut monter à 88% au début de l’hiver. De façon plus générale, la teneur en eau de l’herbe pâturée à la période où les troupeaux sont au pré, à savoir d’avril à novembre, ira de 85 % au début du printemps à moins de 75 % à la fin de l’été. Cette réalité est à prendre en compte dans les besoins d’eau d’un élevage bovin. La consommation d’eau peut varier du simple au triple en fonction de la météo mais, à température constante de 25°, une étude (Protocole Welfare Quality publié en septembre 2022) conduite sur douze jours consécutifs a révélé qu’une vache ingère en moyenne de 50 à 55 litres d’eau par jour si le temps est humide quand elle est au pré, et de 75 à 80 litres si l’air est plus sec. La teneur en eau d’une herbe en zone ou en période humide étant supérieure aux autres situations climatiques, l’animal a, de fait, moins besoin de s’abreuver. En temps normal, une vache ingère entre 15 et 25 litres d’eau par abreuvement (site Herbe et Fourrage Centre Val de Loire), généralement entre trois et quatre dans la journée, selon la taille et l’âge de l’animal. En cas de forte chaleur, alors que la soif est plus prégnante, le troupeau limite ses déplacements à l’abreuvoir ou à la rivière, et préfère rester à l’ombre, quitte à se priver. Contrainte qu’il ne subit pas si le sol où il se trouve est suffisamment herbagé. Même avec des cornes, le bonheur est dans le pré…

 

De nombreuses études agricoles, dont certaines diligentées par l’INRAE, confirment que, pour la vache, l’herbe pâturée représente une ration complète, équilibrée en protéines et en énergie, ce qui suppose une économie pour l’éleveur. Ainsi de l’herbe vraiment fraîche, bénéficiant d’une rosée régulière et d’une pluviométrie conforme aux normes climatiques européennes, peut, sur un animal sain, combler jusqu’à 90% de ses besoins en eau (INRAE). Dans certaines situations, une vache évoluant en zone herbagée peut ne s’abreuver que de 10 litres d’eau par jour tant elle est hydratée par le système végétal, alors qu’une vache nourrie au maïs ensilé voit ses besoins en eau atteindre jusqu’à 60 litres. Il est acquis que sous ses formes conservées, telles que l’enrubannage, l’ensilage ou même le foin, l’herbe accuse une baisse de ses qualités nutritionnelles, ce qui implique le recours à un complément avec des aliments concentrés, en particulier des céréales, extrêmement coûteuses, surtout dans le cas des élevages laitiers. Outre l’apport en eau, écologique et gratuit, les vertus du pâturage à l’herbe sont multiples dans la mesure où la vache est en meilleure santé du fait de son évolution dans un milieu naturel dont la diversité végétale participe de l’équilibre nutritionnel d’un animal qui choisit ainsi lui-même sa nourriture, variété et quantité. Ce trésor végétal se nourrit lui-même d’eau de pluie ce qui n’engage aucune transformation environnementale pour améliorer la production.

 

Pour resituer le débat, rappelons simplement que la consommation d’eau pour les productions de viande et de lait, ne dépasse pas 1% de la totalité des prélèvements d’eau en France (Projet Pâturage tournant dynamique réf. LIFE13 environnement), ce qui n’empêche pas de continuer à la contrôler. Il est toutefois nécessaire de tordre le cou à des chiffres qu’il convient de qualifier de fantaisistes, pour ne pas dire délitants, régulièrement repris pour alimenter la propagande de ceux qui militent pour la disparition de l’élevage, notamment bovin et plus particulièrement celui lié à la boucherie. Non, un kilo de viande de vache ou de bœuf n’implique pas l’usage de 15.000 litres d’eau -il faut bien lire quinze mille-, mais entre 30 et 50 litres, volume déjà conséquent (données confirmées par des évaluations réalisées pour l’Institut de l’élevage à partir de méthodologies reconnues au niveau international). Bien moins quand l’animal est nourri en parcours herbagé, entre 10 et 15 litres selon les conditions climatiques.

 

Par ailleurs, précision biologique d’importance, l’eau contenue dans l’herbe n’est pas minérale, issue d’une source, d’une mare, d’une rivière ou d’une nappe phréatique, au risque d’avoir fait de plus ou moins bonnes rencontres, ou nécessité un traitement coûteux, mais végétale ! C’est la même eau que contiennent les arbres, les légumes, les fruits et leurs jus frais (dont le vin), directement métabolisée par la plante, donc d’une pureté incomparable, quasiment médicamenteuse dans certains cas. La notion est capitale car à l’origine de bien des phénomènes positifs concernant l’élevage herbagé. Tous les tests alimentaires et culinaires le confirment, les viandes provenant de bovins nourris à l’herbe tiennent le haut du pavé en termes de tendreté, de jutosité, de flaveur et de sapidité. Leur persillage est exemplaire, leurs lipides sont sains et leur vertue nutritionnelle avérée. Certes les oligo-éléments contenus dans cette végétation y sont pour beaucoup, mais les bienfaits de l’eau végétale y ont aussi leur part. Laissons nos troupeaux ruminer à l’herbe et les vaches seront bien abreuvées…

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Par Périco Légasse

Par Périco Légasse, journaliste, gastronome et critique culinaire.

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